Ben ou l'art de la fuite - Micha Lewinsky
6 Novembre 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
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Impossible de ne pas penser au cinéma de Woody Allen en suivant les aventures de Ben Oppenheim ; d'ailleurs le film se matérialise sous la plume de l'auteur lui-même scénariste et réalisateur, sans doute fan de son célèbre confrère. Ben est un anti-héros parfait, ou plutôt délicieusement imparfait. Auteur d'un seul et unique roman et incapable d'en produire un autre, rédacteur de publicités en attendant qu'un producteur s'intéresse à ses scénarios, coincé entre sa femme dont il est presque séparé et sa nouvelle compagne trop belle pour lui, plein de doutes et pas uniquement sur sa virilité... Il agace, il amuse et il finit par émouvoir.
Ben porte sur ses épaules le poids d'une histoire familiale qui est celle de tous les Juifs d'Europe centrale mais chez lui la crainte est un sentiment aussi dominant que permanent. Avec une conviction : en cas de danger létal, l'Histoire l'a prouvé, mieux vaut prendre la poudre d'escampette. Lorsque les menaces de guerre en Europe se font plus lourdes, toute la famille Oppenheim quitte Zurich direction le Brésil. Pourquoi le Brésil ? Parce que c'est le lieu choisi par Stefan Zweig, idole de Ben qui empile les brouillons de scénarios autour de la vie du grand écrivain. Alors bien sûr, le Brésil des années 2020 n'a plus grand chose à voir avec celui des années 40 et Benjamin Oppenheim n'est pas Zweig. Mais surtout, cette fuite incongrue - "la Suisse ne fait pas la guerre" lui rappelle un de ses amis - n'est que la partie émergente des multiples fuites de Ben face aux difficultés de sa vie quotidienne.
L'auteur manie tout cela avec finesse et humour sans jamais charger la barque et profite de ces péripéties brésiliennes souvent drôles pour examiner le poids de l'héritage et de l'identité percuté par l'anxiété du monde actuel. L'autodérision peut s'avérer salvatrice, l'auteur en fait bon usage planqué derrière son personnage qui lui permet cet aveu émouvant : "Ce n'était pas pour la postérité que Ben écrivait des histoires. Peu lui importait qu'on se souvienne de lui après sa mort. Ben écrivait pour rester en vie. Il écrivait aussi désespérément qu'il pleurait étant bébé. Il voulait être entendu".
Mission accomplie, après avoir beaucoup souri (merci ! par les temps qui courent c'est si bon), on a envie de faire un gros câlin à Ben.
"Ben ou l'art de la fuite" - Micha Lewinsky - Phébus - 266 pages (traduit de l'allemand (Suisse) par Aloïse Denis)
Une première participation au mois des "Feuilles allemandes" organisé par Patrice et Eva du blog Et si on bouquinait un peu ?
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