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E.E. - Olga Tokarczuk

18 Octobre 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

E.E, les initiales de la jeune Erna Eltzner ou plutôt de la patiente du Docteur Löwe et objet d'étude d'Artur Schatzmann, étudiant en médecine spécialiste du cerveau. Car en ce début de 20ème siècle à Breslau, Erna Eltzner est victime de curieux phénomènes qui la conduisent à l'évanouissement. Fantômes, voix. Il n'en faut pas plus pour susciter la curiosité et l'excitation d'une petite société avide de percer les mystères de l'au-delà et d'un corps médical toujours prompt à opposer le rationnel de la science aux désordres du psychisme. Passionnant débat mis en scène par l'autrice qui en profite pour explorer la porosité entre la vie et la mort ainsi que les rapports à la féminité d'une société assez corsetée. Tout ceci dans une atmosphère troublante des années qui précèdent la première guerre mondiale dont on devine les préparatifs par des éléments habilement suggérés entre deux séances de spiritisme.

La féminité est au cœur du roman. Erna est la troisième d'une fratrie de huit enfants dont six filles ce qui permet à l'autrice d'ausculter avec malice les différents âges, le passage à la puberté d'Erna mais également la sexualité à travers un personnage extérieur important témoin car ex-médium transformée par une expérience marquante, et enfin la maturité à travers la figure complexe de Mme Eltzner en quête d'une nouvelle jeunesse. Autour, les hommes de science débattent, examinent, évaluent, décortiquent et finissent parfois par douter. Certaines certitudes vacillent, surtout lorsque le seuil de la mort approche. Que savons-nous de la suite ? Sans doute pas assez pour évacuer la peur. Des vocations naissent du doute tandis que la jeune Erna inscrit les racines de sa toute nouvelle féminité dans le terreau d'une nature toute puissante (superbe scène !).

E.E est le deuxième roman d'Olga Tokarczuk, écrit il y a 30 ans et tardivement traduit en français. Intrigant, obsédant, un peu inégal dans sa construction mais déjà teinté d'une légère ironie et habile à ouvrir des axes de réflexion à travers des personnages fascinants. Le mystère des grands passages de la vie infuse chaque page de ce texte troublant et sans doute nourri par l'expérience de l'autrice qui a étudié la psychologie.

Les prémisses d'un regard, d'un univers qui seront salués en 2018 par le Prix Nobel. Et une vraie curiosité.

"E.E" - Olga Tokarczuk - Editions Noir sur blanc - 192 pages (traduit du polonais par Margot Carlier) 

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I
Je note ton léger bémol, mais retiens aussi qu'il ne fait que 192 pages, ce qui le relativise un peu :)<br /> J'ai aimé tout ce que j'ai lu de cette auteure jusqu'à présent (Sur les ossements des morts, Dieu, le temps, les hommes et les anges, Les livres de Jakob, Les pérégrins) et j'ai aussi un de ses recueils de nouvelles sur ma pile. J'attendrai la sortie poche de celui-ci, parce qu'il m'intrigue pas mal !
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N
Minuscule bémol, il faut bien que les auteurs ne soient pas parfaits dès le début 😉. Mais c'est déjà tellement fort, tellement mordant... C'est bien qu'il soit enfin traduit.
V
J'ai tellement aimé "Sur les ossements des morts" et "Dieu, le temps, les hommes et les anges". Elle a l'art d'aborder des thèmes à chaque fois très proches tout en offrant un traitement différent.<br /> Ce que je trouve dommage, c'est la publication dans le désordre de son œuvre. Je me doute que ce E.E. est sans doute moins abouti que les autres traduits avant (ce que laisse supposer ton "un peu inégal dans la construction").<br /> J'ai très envie de lire "Le livre de Jacob" mais vu la brique, je repousse sans cesse. Je pense me laisser tenter par celui-ci.
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N
Beaucoup de matiere, oui. Le doute sort vainqueur des joutes ce qui ouvre des abîmes de futurs questionnements littéraires pour l'autrice.
V
L'ayant maintenant terminé (mais pas encore chroniqué), je peux dire que j'ai beaucoup aimé ce roman. J'aime beaucoup, comme souvent avec Olga Tokarczuk, cette lutte incessante entre le réel et le "surnaturel', entre la raison et le spirituel. C'est le roman sur le doute de tout au final, en tout cas je le perçois un peu comme ça.
N
C'est souvent comme ça en littérature traduite, on ressort les premières œuvres d'avant la consécration pour faire patienter le public... Mais ici ça vaut le coup de constater que la force et l'acuité étaient déjà là, ainsi que l'ironie... Ce qui me semble un poil inégal c'est une façon encore imparfaite de mêler les strates alors que dans Sur les ossements des morts (le seul autre que j'ai lu pour l'instant) c'est virtuose.
S
Beaucoup aimé "Sur les ossements des morts" ! "Les Pérégrins", moins facile à lire.<br /> Très bonne - et belle - écrivaine, engagée pour la Nature, et qui aime flirter avec un peu de magie et d'extraordinaire. Prix Nobel de littérature 2018 je crois
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N
Absolument. Moi aussi j'ai beaucoup aimé Sur les ossements des morts, j'espère en lire d'autres dans les prochaines années.
A
Ha mince, je pensais que c'était un nouveau roman de cette autrice que j'adore ! Mais même inégal, je le lirai et ta chronique me rends cette lecture urgente ... Vite, une librairie !
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N
Tu as raison, et d'ailleurs c'est quand même rassurant de trouver des petites imperfections dans ce texte bien antérieur à ceux qui ont fait ensuite la réputation de l'autrice :-)
C
Intéressant ! Mais il faudrait que je lise déjà Sur les ossements des morts qui est dans ma liseuse depuis... pfff ! <br /> J'ai pourtant bien aimé Dieu, le temps, les anges et les hommes, joli conte philosophique.
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N
J'ai vraiment beaucoup aimé Sur les ossements des morts, et senti dans ce texte bien antérieur toutes les promesses qui mènent à la quasi perfection de Sur les ossements....
K
Je sais que ce livre existe (merci les blogs) , sinon ces trucs de spiritisme (OK c'était aussi l'époque) ne m'attirent pas trop. Oui, il y a autre chose dans le roman, je m'en doute après ton bilelt.
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N
Oui bien sûr il y a autre chose, le spiritisme se rapporte à l'époque et est un parfait prétexte pour l'exploration menée avec malice par l'autrice.