La veillée - Virginie Carton
C’est confirmé, Virginie Carton sait délicieusement bien installer une atmosphère, si possible à partir d’une situation légèrement décalée. Avec un seul objectif : nous parler de la vie, du temps qui passe, de nos rêves que l’on pourrait laisser en chemin, de la difficulté d’être soi-même quand la vie s’empresse de nous rouler dans le conformisme. J’avais été très sensible au charme qui se dégageait de son premier roman La blancheur qu’on croyait éternelle, j’ai retrouvé ici la douce nostalgie qui berce son écriture, capable de faire surgir l’émotion d’un simple regard.
La veillée est une belle histoire d’amitié. Celle qui lie Marie et Sébastien malgré les années, la distance, les vies familiales réciproques. Une amitié née pendant l’adolescence, l’époque de tous les rêves et de tous les possibles. Le temps a passé, Sébastien vit en Italie. Leurs retrouvailles se font autour de la dépouille de Victor, le père de Sébastien, qu’ils décident de veiller tous les deux pendant une nuit avant l’arrivée des pompes funèbres. Quelques heures qui vont s’avérer riches en découvertes. Sur Victor et son passé d’où émerge soudain un vieil anglais excentrique, Harold qui se matérialise en pleine nuit sur le palier avec une vieille valise emplie de souvenirs. Le dernier message de Victor à son fils. Les dernières surprises. Ensemble, Marie et Victor vont tenter de comprendre. Et revisiter le temps d’une veillée, les liens qui les unissent eux-mêmes et qui les attachent aux autres.
« Il n’y a pas nécessairement une volonté de nuire à l’autre dans le fait de garder un secret. Garder un secret, c’est aussi, parfois, ne pas vouloir abîmer un souvenir ».
Que sait-on réellement de ses parents, de leurs rêves adolescents et de leurs choix ? Et après ? Virginie Carton remonte le lien filial pour en retenir l’essentiel. L’amour, l’envie de voir ses enfants s’épanouir à leur tour. L’ultime cadeau de Victor à son fils est une incitation à ne pas oublier ses rêves d’enfant, ses utopies adolescentes, à ne pas perdre le fil de sa personnalité.
« Plus on est rêveur, plus on risque d’être déçu si l’on ne réalise pas ses rêves. Mais c’est encore pire, je crois, de n’avoir aucun rêve… »
Autour du corps de Victor, Marie et Sébastien ont l’occasion de réfléchir à leurs vies, d’éclairer les zones d’ombre qui jalonnent leur parcours et même leur relation. Virginie Carton déroule le fil avec beaucoup de délicatesse, en évitant le tragique et en lui préférant une affectueuse tendresse. La gorge se serre et les yeux s’humidifient mais le sourire flotte toujours sur les lèvres du lecteur attendri par ces deux adultes qui retrouvent peu à peu leurs réflexes de jeunesse. Jusqu’à la surprise finale, très réussie.
Une belle invitation à réfléchir sur le sens de sa vie. Parce qu’il n’est jamais trop tard.
"La veillée" - Virginie Carton - Stock - 220 pages