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Ces rêves qu'on piétine - Sébastien Spitzer

31 Août 2017 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"Reste la nuit. Epaisse. Lourde. Vide à tous ceux qui ont peur, à ceux qui se désespèrent, se trompent. Cette nuit est aussi pleine que les autres. Féconde. Mystérieuse. Imprévisible. Elle s'est insinuée de l'autre côté des murs. L'heure des souffles de vie. L'heure des silences".

Voilà. C'est de cette plume envoûtante que bruisse le petit monde de la blogosphère depuis cet été. Depuis que certains privilégiés (dont je fais partie) ont eu l'immense plaisir de découvrir en avant-première le roman de Sébastien Spitzer. Un premier roman faisant partie de la première Rentrée Littéraire des nouvelles Editions de L'Observatoire. Joli coup !

Cette plume, l'auteur la met au service d'une histoire terrible, dans un contexte que nous n'avons malheureusement pas fini d'explorer ou de revisiter. Stop ! Surtout ne vous dites pas "encore un livre sur la Seconde Guerre mondiale"... Il ne s'agit pas de guerre ici. Non. Ce sont des hommes dont on parle. Ceux qui malgré le fait de partager la même condition humaine se sont comportés en bourreaux monstrueux et ceux qui se sont vu dénuer le droit de rester des hommes. Voilà toute l'histoire de l'humanité, mille fois reproduite. Et les écrivains auront toujours raison de n'avoir de cesse de tenter de comprendre, de dénoncer, de témoigner.

Comment devient-on Martha Goebbels, la "première dame" du Reich, mariée à l'un des plus hauts dignitaires du régime nazi, adulée par Hitler et admirée par tout un peuple ? Comment peut-on pousser la folie jusqu'à renier son propre père, faire exécuter son ancien amant juif et finalement tuer ses enfants de sa propre main ? Au printemps 1945, alors que la défaite se précise, Hitler et ses sbires prennent leurs quartiers dans le bunker dont ils ne ressortiront pas vivants. Au même moment, quelques rescapés des camps tentent d'échapper aux dernières exactions de leurs bourreaux. Parmi eux circule de mains en mains un mystérieux rouleau de cuir abritant des centaines de feuillets de toute matière. Ce sont les témoignages des déportés dont beaucoup sont morts. Dernière détentrice du rouleau, la petite Ava parvient à rejoindre les troupes américaines... L'espoir qu'enfin, la voix des victimes parvienne aux oreilles du monde.

En suivant alternativement les progressions de Magda et d'Ava, en remontant parfois le temps pour faire apparaître les terribles contradictions et les tragiques compromissions de Magda ainsi que l'influence qu'elles ont eu sur le destin d'Ava, Sébastien Spitzer touche juste. Parmi les témoignages du rouleau de cuir se trouvent les lettres d'un certain Richard Friedländer à sa fille... Magda. Des lettres poignantes d'un homme doublement victime, renié par sa fille parce que juif et enfermé dans un camp par le régime que cette même fille a choisi d'embrasser.

On avance dans ce livre totalement happé par ce déploiement de folie humaine, à la fois révulsé, révolté et surtout impressionné par le courage, la résistance de ceux qui ont tout fait pour que cette folie soit connue, pour que la mémoire de ceux qui ont été massacrés ne soit pas oubliée. Car la lumière parvient à chasser les ténèbres. L'espoir, la rage de vivre, l'idéal de justice sont les piliers qui permettent à l'humanité de survivre. Malgré tout.

Premier roman convaincant et marquant, Ces rêves qu'on piétine va avoir un beau parcours, déjà récompensé par le Prix Stanislas et finaliste pour le Prix du Roman Fnac. Tant mieux parce qu'il y a des livres que l'ont voudrait voir entre toutes les mains. Et il en fait partie.

"La dernière chose que nous possédons, c'est notre histoire. Il y a deux mille ans, nous avons dû quitter notre terre, notre Jérusalem, nos temples, nos rois et nos armées. Nous avons été riches, pauvres, puissants, chassés et pourchassés. Nous avons construit des temples en bois, en pierre. Ils ont été brûlés. Nous en avons construit d'autres. Vous les avez fait fermer. Mais notre histoire, personne ne nous la volera. Elle est inaliénable. On essaiera de nous tuer, jusqu'au dernier. On essaiera de trahir, de falsifier, d'effacer... Mais il y aura toujours un scribe pour recopier, un homme pour lire, un écrit quelque part."

"Ces rêves que l'on piétine" - Sébastien Spitzer - Les Editions de L'Observatoire - 308 pages

Sélectionné pour la session automne 2017 des 68 premières fois, Ces rêves qu'on piétine va désormais voyager à la rencontre des 70 participants à l'aventure.

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N
Une merveille ce roman... J'en parle quand j'aurai trouvé les mots !
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N
C'est vrai qu'il faut un moment pour reprendre son souffle :-)
M
Alors qu'on se le dise : voilà une petite petite qui mérite une ovation. Petite pépite que je m'empresse de noter. Merci du partage !
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N
Avec plaisir !
B
Un des favoris de ma libraire, ainsi que le roman de Jenni Fagan, Les buveurs de lumière, dans un tout autre genre, bien sûr . Continuez à nous présenter des livres qui sortent des habituels abonnés de la rentrée littéraire...
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N
Merci Brigitte, je vais essayer, notamment avec des premiers romans qui ne font pas forcément la "une" des media mais méritent le détour. Ce livre est effectivement l'un de ceux que les libraires défendent beaucoup en cette rentrée et ils ont mille fois raison.
D
Décidément, tout le monde en parle, en effet. J'espère que ça ne me fera pas comme En attendant Bojangles ou Petit pays que j'avais eu envie de lire avant de renoncer étant arrivée à saturation avant même de les ouvrir... Car je t'avoue que ma prochaine lecture étant le livre d'Olivier Guez, dont le sujet ne me paraît pas si éloigné, je ne me jetterai sûrement pas sur celui-ci tout de suite après. (Et puis le Larher m'attend ;-)
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N
Pas encore lu le Olivier Guez donc je ne peux pas comparer les 2 (mais il va faire partie des mes prochains achats :-) )... Et le Larher passe avant tout, là tu as tout à fait raison !
E
il a l'air de faire l'unanimité, c'est assez rare pour le noter!
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N
C'est incontestablement un livre à lire, oui ! Les avis sont unanimement positifs mais j'avoue qu'il y a de quoi.