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A crier dans les ruines - Alexandra Koszelyk

23 Août 2019 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"Une terre peut-elle pardonner d'avoir été oubliée ?" Jolie question. En tout cas, cette terre vit de façon magnifique sous la plume d'Alexandra Koszelyk qui ose un premier roman singulier, nourri de classicisme, de légendes et de drames antiques pour mieux transcender la réalité. Un roman d'amour, lumineux, une ode au pouvoir de la nature. Il y est question d'exil, de racines et de ces liens invisibles qui vous rattachent à votre culture, à votre terre et à votre enfance. De la capacité de la nature à se régénérer, à reprendre ses droits et à réinvestir les ruines et les espaces désertés. C'est un roman qui fait du bien.

Pourtant, tout se noue lors de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Lena et Ivan sont deux adolescents liés depuis leur enfance et dont la relation passe doucement du jeu à quelque chose de plus tendre. Ils ont le temps, pensent-ils, tout le temps. A Pripriat, fierté de l'URSS, l'activité tourne autour de la centrale. Lorsque le drame survient, la famille de Lena décide de fuir, tandis que celle d'Ivan reste sur place. Pour la jeune fille, ce sera l'installation en Normandie, près de Cherbourg. L'exil, la douleur de la séparation, la tristesse de croire qu'Ivan n'a pas survécu. La difficulté de réapprendre, une langue, des mœurs, et celle d'assister à l'assimilation rapide de ses parents, symbolisée par la transformation du prénom de sa mère, Natalia qui devient Nathalie apparemment sans aucun état d'âme. Ce vide, ce manque vont contribuer à la construire au même titre que ce qui la nourrit en parallèle, la littérature et plus particulièrement les contes, les légendes et les mythologies. Jusqu'à ce que, vingt ans après son départ forcé, elle se décide à retourner sur sa terre.

Et c'est ce que j'ai adoré dans ce roman. Ces références qui imprègnent une culture, depuis les histoires qui ont bercé l'enfance de Lena, par la voix de Zenka, sa grand-mère adorée (quelle belle relation entre des deux-là !), jusqu'à celles qu'elle puisera dans le recueil qu'une enseignante bienveillante lui mettra entre les mains, les Contes et légendes du Cotentin, en passant par la petite dose de celtitude d'une amie de lycée à demi écossaise. Car, aux côtés des grands auteurs de la littérature russe puis française qui jalonnent le parcours de Lena, il y a ces légendes qui forgent une identité et vous attachent irrémédiablement à un territoire, aussi clairement que les parfums et les arômes des plats de votre enfance. Et qui dit territoire dit terre. Végétation. Sève.

J'aime tout dans ce roman, même s'il m'a fallu quelques pages pour m'adapter aux phrases courtes d'Alexandra et à sa façon parfois fantasque d'enjamber le temps (mais le fantasque, j'aime aussi). J'aime ses références, le regard qu'elle porte sur ses personnages, la façon dont elle interroge le territoire que chacun porte profondément en soi. J'aime qu'elle mise sur l'amour, par-delà les ruines, cette force qui nous dépasse. Et qu'elle laisse le dernier mot à la nature, comme une promesse, la porte ouverte à l'imaginaire.

C'est toujours délicat de découvrir le roman de quelqu'un que l'on côtoie et que l'on apprécie. Alors merci, Alexandra d'avoir produit un si joli roman, c'est quand même beaucoup plus agréable d'en parler.

"A crier dans les ruines" - Alexandra Koszelyk - Aux forges de Vulcain - 252 pages

 

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