Simple journée d'été - Frédéric Berthet
Rarement illustration de couverture n'aura été aussi bien choisie. Si elle ne vous plait pas, ne vous inspire rien, passez votre chemin. Car tout est là. La grâce, la poésie, le décalage. Le corps attiré par la lune plutôt que bêtement ancré au sol. La tête dans les étoiles pour éviter d'avoir à trop frayer avec les réalités terriennes. Ce recueil de nouvelles paru en 1986, premier des cinq livres publiés par l'auteur mort en 2003 est une bulle d'élégance teintée de mélancolie. Un vrai régal.
Il faut oublier notre époque, notre quotidien, la technologie, le prêt-à-penser, les injonctions de réussite, bref, tout ce qui empêche notre esprit de rêvasser, de buller. Tout ce qui nous leste, nous plombe, nous empêche de laisser nos idées vagabonder. Les personnages de Frédéric Berthet semblent si loin de nous. Des jeunes gens d'une vingtaine d'années, effrayés par le sérieux du chemin à emprunter, des décisions à prendre ; plutôt avides de légèreté, d'insouciance. Hésitant à s'arracher complètement au domaine de l'enfance et au merveilleux qui l'accompagne. Peu désireux de se lancer dans une activité - un travail - qui les coupera définitivement de tant d'autres sources d'émerveillement. Futiles ? Privilégiés ? Paresseux ? Peut-être... mais leurs questionnements sur la vie, eux, n'ont rien d'évaporé.
"Je ne sais pas quoi faire de ma vie, et la vie en profite pour continuer, pour prendre de l'avance. C'est comme si on naissait avant d'avoir eu le temps de prendre les mesures nécessaires - et voilà, on est jeté dans le monde sans ménagement, on est pris sur le tapis roulant. On commence tout juste à entrevoir la nature du mécanisme, et cinq ans, quinze ans, vingt ans se sont écoulés".
J'ai souvent eu le sourire aux lèvres pendant ma lecture, il y a des dialogues savoureux. Les Constance, Sybille, Ségolène ou Daphné ont un charme fou, à brûler les feux rouges sans sourciller ou se prendre pour des héroïnes de roman. Tout ceci semble léger comme une bulle de savon, dégage un charme désuet et pourtant, distille une forme de tristesse qui sait rester élégante en toute circonstance. Résultat : l'impression de passer un moment hors du temps, sorte de parenthèse enchantée dans une ambiance surannée où l'esprit aurait à cœur de sortir du cadre pour planer au-dessus des nuages. Délicieux.
"Quand il l'assurait que sans elle il ne pouvait pas travailler, elle envisageait cela sous l'aspect d'un double mixte - mais Dieu sait qu'il était énervant, justement, en double mixte, à prendre toutes les balles à la volée".
"Simple journée d'été" - Frédéric Berthet - La petite vermillon (La table ronde) - 216 pages