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Aulus - Zoé Cosson

18 Novembre 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Des petites villes comme Aulus-les-Bains, station thermale des Pyrénées, on en croise des tas le long des routes. Encore faut-il emprunter les chemins buissonniers, ignorer les autoroutes rectilignes et sans âme, accepter le pas de côté et laisser filer le temps. C'est ce que nous propose Zoé Cosson. Laisser filer le temps, au rythme de quelques saisons. Faire corps avec les pierres qui ont vu passer la foule, le faste des grands jours lorsque les bains et les thermes étaient à la mode. Se couler le long des sentiers, grimper au pas du montagnard, et observer. Les couleurs changer au gré des heures, puis des jours. Trouver un banc, un promontoire pour étudier la faune, sauvage ou apprivoisée. La plume de Zoé Causson se fait tantôt minérale, tantôt végétale. Elle épouse les courbes des chemins, absorbe les creux et les bosses, se glisse dans les ruelles, explore les chambres désertées d'un hôtel décrépit et s'épanouit sur la place centrale où résistent quelques commerces. Elle s'attarde parfois sur un Paul, un Pierre ou le vieux René dont l'esprit commence à s'égarer. Peu importe l'histoire, seuls comptent les yeux et les sens de cette narratrice, fine observatrice dont le corps se confond peu à peu avec le lieu.

"Des prolongements inconnus augmentent mes membres. Je les sens s'agripper à chaque obstacle. Je ne vois plus que par mes mains, mes pieds. Mes mains qui ne sont plus des mains, mes pieds qui ne sont plus des pieds. Mes mains sont des grappins, mes pieds des crochets, mon corps l'élastique tendu entre les deux."

Il se dégage de ce texte une beauté nostalgique, celle de l'effacement qui guette autant les êtres que les pierres qui leur ont servi de toit. Ce que l'auteure sublime, c'est la fragilité en toute chose. Et particulièrement de ces lieux oubliés, dépassés par le progrès, abandonnés aux quelques êtres qui s'y accrochent encore. La rudesse des éléments, la solitude de l'isolement, la majesté du décor. L'écriture de Zoé Cosson est d'une beauté sensuelle et d'une exquise précision. De celles qui vous murmurent à l'oreille et gravent profondément images et sensations au fond de votre esprit. C'est rare cette façon de trouver un écho, de dire si bien le paradoxe de l'ancrage éphémère. Aulus est aussi ce à quoi nous disons au revoir chaque jour : ce qui a été et qui ne sera plus.

"Aulus" - Zoé Cosson - L'arbalète Gallimard - 110 pages

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I
J'en ai entendu parler à la radio, et l'ai offert à une amie qui connaît bien ce coin d'Ariège. J'attends son avis avec impatience, mais vu le tien, je me réjouis de lui avoir fait ce cadeau !
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N
Je ne sais pas ce que ça peut donner pour quelqu'un qui connaît bien... certainement un écho supplémentaire. Moi je ne connais pas du tout mais j'ai été séduite et emportée par l'écriture et son pouvoir d'évocation.
D
J'avais remarqué ce livre et sa magnifique couverture. Mais je crois que ce n'est pas un texte pour moi. Trop contemplatif, je pense...
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N
Contemplatif oui, avec une écriture parfaite. Effectivement, pas sûre que ce soit une lecture pour toi même si on ne sait jamais.