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Trust - Hernan Diaz

12 Décembre 2023 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Trust est un roman assez étonnant. Un roman gigogne bâti à l'aide de plusieurs récits qui adoptent des formes différentes et sont parties prenantes de la démonstration littéraire de l'auteur. Tous ces textes tournent autour d'un couple très en vue dans le New York des années 1930 : lui est un génie des mécanismes boursiers, très en avance sur son temps, immensément riche mais peu féru de vie sociale. Il suscite des sentiments contrastés, admiration, jalousie, convoitise et forme avec son épouse un couple scruté mais discret et assez mystérieux. Elle s'intéresse aux arts et joue les mécènes avec une certaine grâce. L'auteur choisit de nous les faire rencontrer par le biais du roman qui s'inspire de leur vie : Obligations d'un certain Harold Vanner, écrivain méconnu puis oublié de l'époque les met en scène sous les traits de Benjamin et Helen Rask. Le livre raconte l'irrésistible ascension de Rask, sa façon singulière d'utiliser les crises pour renforcer sa fortune grâce à un flair hors du commun, sa rencontre avec Helen, leur vie commune et l'étrange maladie qui emporta la jeune femme. Tout ceci sur fond d'essor vertigineux du capitalisme, capable de repartir encore plus fort malgré les dégâts causés par les crises successives. Mais je parlais de roman gigogne et trois autres textes viennent bousculer la vision du lecteur confronté d'abord au récit autobiographique d'Andrew Bevel, le vrai trader, celui qui a sans doute servi de modèle au romancier et qui n'a de cesse de vouloir corriger l'image donnée à travers le roman pour imposer sa vérité, comme nous le racontera dans un troisième texte Ida Partenza qui fut la secrétaire de Bevel dans les années 30 et se remémore les faits quarante ans plus tard. Enfin, la voix de Mildred Bevel, l'épouse discrète, mécène au destin tragique viendra apporter son lot de surprises grâce à un journal intime retrouvé. Où est la vérité ? Quelle part de fiction dans chacun des récits ? 

C'est tout l'intérêt du jeu proposé par l'auteur et que l'on s'amuse à suivre avec des points d'interrogation dans les yeux. Si le portrait du capitalisme à l’œuvre est cynique à souhaits et particulièrement bien raconté dans le premier texte, c'est vraisemblablement l'exploration de la façon dont la fiction régit nos vies qui intéresse le romancier et lui a valu ce prix Pulitzer. Il parvient à imbriquer des tas de petits éléments éparpillés dans les différents récits pour déstabiliser l'appréhension de la vérité en fonction des points de vue. De la passion de certaines pour les romans policiers à la description par Mildred de sa lecture de Flush, la biographie fictive que Virginia Woolf a consacrée au chien d'Elizabeth Barrett Browning, rien n'est anodin. Tout ceci est fort malin mais j'avoue que la structure a un peu perturbé la fluidité de ma lecture et je n'ai pu m'empêcher de penser à l'excellent roman de Marcus Malte, Qui se souviendra de Phily-Jo ? dont la structure très proche - sur un thème pas si éloigné - réussissait une immersion bien plus vertigineuse à mon sens. Je crois que je m'attendais à quelque chose de plus spectaculaire même si on ne peut nier l'efficacité du procédé.

"Trust" - Hernan Diaz - Editions de l'Olivier - 400 pages (traduit de l'anglais (EU) par Nicolas Richard)   

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V
ah zut, je récupère demain ma réservation à la bibliothèque. <br /> La référence à Marcus Malte, hummm... :)
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N
J'espère qu'on sent dans mon billet que je ne regrette pas ma lecture, j'ai juste été moins surprise ou emballée que certains...
D
Tu sembles légèrement mitigée, mais ton billet suscite néanmoins chez moi une réelle curiosité à l'égard de ce roman.
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N
C'est vrai que j'en attendais plus, mais c'est indéniablement du bon boulot.
K
Mais oui, ça me rappelait quelque chose ce procédé... le roman de Marcus Malte. Je l'avais aimé mais pas commenté, je laisse souvent passer même des bons romans sans écrire une ligne (ça va se terminer un jour par la fin du blog, si ça continue...)
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N
Moi j'y ai pensé dès le milieu du roman et franchement j'aurais donné le Pulitzer à Marcus Malte ;-) ; je te comprends, parfois l'écriture ne vient pas ou alors - ça m'arrive - beaucoup plus tard (et il n'est jamais trop tard)
K
Les thèmes m'ont fait peur, je suis passée à autre chose, mais après tout, le livre est là, je peux tenter à nouveau!
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N
Oui bien sûr, en fait les mécanismes du capitalisme peuvent faire un peu peur côté compréhension mais ça passe bien je trouve.