A rebours - J.-K. Huysmans
Le 8 décembre 2022, sur motspourmots.fr

Voilà un roman que je n'aurais jamais eu l'idée de lire si je n'avais croisé deux fois son héros, Jean des Esseintes au cours de lectures très rapprochées et très inspirantes. D'abord dans L'enfant céleste de Maud Simonnot puis chez Julian Barnes et son Homme en rouge... Avant ça je n'avais jamais entendu parler de Huysmans, personne n'est parfait. A rebours est apparemment son roman le plus déconcertant (et décrié), paru en 1883 avant d'être réédité vingt ans plus tard, et sur lequel on a beaucoup parlé, beaucoup écrit comme nous l'apprend la passionnante préface de Pierre Jourde. Je comprends à présent pourquoi.

Difficile de qualifier ce texte, mieux vaut s'y laisser aller quitte à soupirer parfois lorsque la promenade artistique ou littéraire se fait trop pesante. On y est comme dans un cabinet de curiosités où chaque pièce exposée serait matière à disserter longuement. On s'y prend un flamboiement de couleurs, de senteurs, de bibelots, de statues, de tissus, de tableaux et de volumes ouvragés. Car des Esseintes est une sorte d'esthète érudit qui ne supporte que le sublime et bannit le commun. Au point de ne plus souffrir le monde, les autres, et choisir de s'enfermer dans une demeure isolée à la campagne avec pour seule compagnie du mobilier, des livres et des œuvres d'art triés sur le volet. Au point de préférer recréer artificiellement ou par la pensée des odeurs, des sensations de promenades ou de voyages plutôt que de devoir affronter les foules vulgaires. 

Quelle étonnante lecture dans laquelle j'ai évolué entre fascination et perplexité. Je m'y suis sentie souvent inculte face à l'étalage des connaissances du héros dans bien des domaines à commencer par la poésie à travers les siècles ; je comprends que ce livre puisse servir de référence à un Julian Barnes pour les balades artistiques et littéraires qu'il affectionne. Il y a là de quoi considérablement agrandir le spectre de son vocabulaire, d'une richesse rare au service de descriptions époustouflantes. J'ai noté des passages incroyables autour des couleurs ou de l'édition spéciale d'un volume rare. Les prises de position du sieur des Esseintes poussent assez loin l'art de la provocation, à rebours du "prêt à penser" et l'on imagine très bien les réactions fort choquées des intellectuels de l'époque. Cela dit, cette envie de se couper du monde, de ses bruits et de ses laideurs pour se calfeutrer dans un cocon de beauté et de douceur aux murs entièrement habillés de livres, ma foi.. peut-on complètement rejeter l'idée ? 

"A rebours" - J.-K. Huysmans - Folio Classique (Edition de Pierre Jourde) - 580 pages (250 pages pour le roman, le reste étant constitué des préfaces et notes)

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