Garde-corps - Virginie Martin
"Le jeu du pouvoir n'est pas du tout un jeu, c'est une guerre. Moi, ma guerre à moi, elle est ailleurs, elle est juste entre moi et moi".
Voilà un premier roman détonnant qui m'a agréablement sortie de mon petit ronron de rentrée. Un livre féministe (mais drôle), mené tambour battant (mais pas bâclé), un propos fort (mais pas ennuyeux), un point de vue affirmé qui porte et fait mouche. Surprenant dans le bon sens du terme et totalement inattendu puisque ignoré des médias jusqu'à présent... Heureusement, les 68 premières fois veillent ! Et vous conseillent vivement d'embarquer avec Gabrielle Clair.
Gabrielle Clair est Ministre du Travail, une jeune ministre - à peine quarante ans - à la carrière fulgurante. Belle et brillante. Gabrielle Clair a tout compris de cette société de l'image et de la représentation de soi et sait parfaitement en tirer profit, utiliser l'ombre et la lumière à son avantage. Ce n'est pas du cynisme, juste de la lucidité et beaucoup de talent. Gabrielle Clair est une battante. Mais sous cette façade d'executive woman sûre d'elle et de son pouvoir, elle cache une faille, un drame à l'origine de la farouche volonté de réussite qui l'habite.
Gabrielle Clair a été violée. Elle n'avait que onze ans et a dû affronter seule le tourbillon de sensations et de sentiments qui l'a envahi. Des parents peu présents et surtout préoccupés d'eux-mêmes, Gabrielle s'est forgée une carapace de dureté sous les apparences les plus affables. Elle s'est juré de ne plus jamais être dominée. Au prix d'une immense solitude, nécessaire pour atteindre son objectif, devenir importante, laisser une trace. Le jour où son chemin croise par le plus grand des hasards celui de son violeur, trente ans après les faits, Gabrielle est bien décidée à reprendre la main.
Virginie Martin est politologue, le milieu qu'elle décrit a donc des accents plus que réalistes et l'on s'amuse parfois à retrouver les modèles dont elle a pu s'inspirer. On suit le parcours de Gabrielle entre présent et passé, par de courts chapitres en alternance qui permettent de mieux comprendre les sentiments qui l'animent et la façon dont elle a construit son personnage. On se délecte de sa vision de la vie politique entre interviews télé parfaitement maîtrisées, gestion des réseaux sociaux et visites sur le terrain, tout ceci sur fond de machisme infernal. Si Gabrielle a une revanche à prendre sur les hommes, elle a bien choisi son milieu !
L'écriture est cash, rapide comme le rythme trépidant des journées de Madame la Ministre. Une plongée sans fard dans les méandres des réalités du terrain politique et médiatique, par la voix d'une héroïne sans foi ni loi. On devrait s'offusquer des méthodes employées et en fait, Gabrielle, on l'adore d'écrire tout haut ce que l'on devine tout bas. Les coups bas, la maîtrise des médias, la domination masculine... On fait fi de la morale et de la bienséance... Toutes derrière Gabrielle !
Franchement, ça fait du bien cette approche directe qui ne se cache pas derrière son petit doigt. J'adore !
"Garde-corps" - Virginie Martin - Lemieux éditeur - 168 pages
Et hop ! Dans le second volet de la sélection 2016 des 68 premières fois !