Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
motspourmots.fr

L'Embaumeur ou l'odieuse confession de Victor Renard - Isabelle Duquesnoy

14 Décembre 2017 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"Tout siècle est porteur de son génie, d'un personnage hors du commun, fascinant ou répugnant, démon de l'architecture ou farfadet du flûtiau, dont l’œuvre appartient au monde une fois le titan refroidi. Une vie d'orgueil cachée derrière un masque ; tout n'est que composition, visant à étouffer la crainte de retomber dans l'oubli, puis en poussière. Nul génie n'échappe à l'insolence de la mort, et c'est bien ce qui le rend encore plus inventif : la peur."

Si vous avez aimé Le Parfum de Patrick Süskind, alors précipitez-vous sur cette odieuse confession. Vous verrez, Victor Renard n'a rien à envier à Jean-Baptiste Grenouille. Oh bien sûr nous avons là deux histoires très différentes mais les deux ouvrages se rejoignent sur de nombreux points : la reconstitution historique, des personnages hors normes et surtout... l'importance des odeurs. Tout bon ouvrage historique rappelle à bon escient que de nombreux siècles se sont succédé avant que les puanteurs ne soient éradiquées... qu'elles soient corporelles ou environnementales. A la fin du 18ème siècle, moment où se tient l'intrigue qui nous concerne, on fait encore ses besoins dans la rue, et les parfums dont on s'asperge ne cachent pas totalement les effluves de corps mal toilettés. Dans ce roman truculent et passionnant, aucune odeur, aucune puanteur ne nous est épargnée et nous avançons, captivés, sur les traces de pratiques méconnues.

Nous sommes aux alentours de 1795, dans une France post-révolutionnaire et Victor Renard fait face à ses juges du fond du cachot où il est tenu au secret. Comment est-il devenu l'homme le plus détesté de Paris ? C'est ce que nous découvrons au fur et à mesure qu'il déroule son histoire, et que l'on oscille entre fascination, révolte, pitié et écœurement. Affublé d'un torticolis dû à la position du cordon ombilical lors de sa naissance, cordon qui a étranglé son jumeau en passant, le pauvre Victor est l'objet de moqueries en tous genres à commencer par celles de ses propres parents. Disons qu'on ne souhaite à personne d'avoir pour mère Pâqueline Renard, sorte de mégère hurlante, sale et âpre au gain qui appelle son fils Victordu, le traite d'assassin et d'incapable et ne pense qu'au moyen de lui faire gagner de l'argent afin d'améliorer son ordinaire. Après de nombreuses péripéties, Victor devient l'assistant de l'embaumeur le plus réputé de Paris et découvre, en même temps qu'une certaine forme d'affection, tout un monde de pratiques commerciales autour de la mort... Il apprend vite, trouve une forme de respectabilité, accède même à l'amour, cet amour qui lui a tant manqué qu'il pourrait peut-être causer sa perte.

Franchement, il faut se laisser embarquer dans cette fresque presque inclassable qui ose le langage crû, nous plonge dans les secrets de certaines peintures et interroge notre rapport à la mort. On n'a pas tous les jours l'occasion de lire de tels romans, à la fois précis dans la documentation et la reconstitution et virtuoses dans la narration et l'évocation. Une expérience à la fois troublante, divertissante et fascinante.

"L'Embaumeur ou l'odieuse confession de Victor Renard" - Isabelle Duquesnoy - Editions La Martinière - 528 pages

C'est le billet de Séverine qui m'avait donné envie de découvrir ce roman.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Je l'ai offert à mon épouse pour Noël, ça donne vraiment envie de le lire !
Répondre
N
Oui, un livre original, vraiment très bien fait... On apprend plein de choses sur les peintures de l'époque, c'est passionnant.
Z
que voici un billet qui me sied et un livre qui me tente ! Sera t-il à la bib ?
Répondre
N
Je l'espère pour toi car je suis certaine qu'il te fera passer un excellent moment !
E
Je sens que c'est un livre pour moi.
Répondre
N
Il se pourrait bien, oui.
I
Merci pour cet extraordinaire billet d'impressions de lecture ! Je suis infiniment heureuse de vous avoir fait voyager au coeur d'une histoire qui m'a tenue 10 ans en haleine et, je dois bien l'avouer, continue de me hanter. Vous avoir procuré ce plaisir est l'unique moteur de mon travail, et je vous suis reconnaissante d'en avoir fait un si bel éloge.<br /> Je me permets de vous embrasser.<br /> Isabelle Duquesnoy
Répondre
N
Mais un grand merci à vous ! Nous avions échangé quelques minutes au Salon de la Biographie à Chaville et je suis ravie d'avoir découvert votre livre auquel vous avez consacré tant de temps et de passion. Et à en croire les différents commentaires que je croise notamment sur les sites de lecteurs, je ne suis pas la seule. Bon vent à vous et à Victor dont l'avantage est, je crois d'échapper aux modes et d'avoir donc tout son temps pour creuser son sillon.
A
Celui-là j'espère vraiment le trouver au pied du sapin ! Mais je sais que mon homme est allé faire un petit tour dans ma librairie préférée et que mes libraires connaissent bien mes goûts, alors peut-être !
Répondre
N
Bien briefer son libraire... voilà une des clés d'un Noël réussi. En tout cas ton homme semble avoir les bonnes adresses, un bon point pour lui :-)
K
Je suis ravie de voir ce billet sur ce roman, il en est si peu, c'est dommage (j'ai aimé, pourtant je n'ai pas lu Le parfum)
Répondre
N
Oui c'est vrai qu'il est discret même si les libraires le soutiennent. L'avantage c'est qu'il est intemporel et ne devrait pas subir les effets de mode... En espérant un bouche-à-oreilles progressif.
M
Je ne connais pas du tout. Je le note pour après les fêtes, si je le trouve en médiathèque car je reconnais qu'en ce moment, je lis moins. Merci pour ton ressenti
Répondre
N
Avec plaisir ! C'est un roman dont on parle peu mais qui est heureusement soutenu par les libraires et, je l'espère, un bouche à oreilles progressif.