Une bête au Paradis - Cécile Coulon
Ceux qui me suivent savent que j'aime beaucoup Cécile Coulon. Ils ont pu lire ici même ma prose éblouie après la découverte de sa plume avec Le cœur du Pélican, ou encore ma déclaration enflammée à l'auteure de Trois saisons d'orage. Entre autres. Et c'est parce que j'aime beaucoup Cécile Coulon que j'ai mis du temps avant de me décider à écrire ce billet. Et dire ma déception. Je voulais prendre le temps d'analyser, de comprendre. Il faut dire que j'entends parler de ce roman depuis bien avant sa sortie officielle, c'est certainement l'un de ceux qui ont le plus été envoyés aux blogueurs et autres instagrameurs et au sujet duquel on a vu fleurir le plus d'avis enamourés au cours de l'été. Résultat : quand le 21 août fut venu, il avait beau être sur ma liste des premiers achats de la rentrée, je pense que cette surexposition a déjà eu un effet contre-productif sur moi, entre agacement et trop plein. Mais, au vu de mes expériences précédentes, je n'étais pas vraiment inquiète.
Ensuite, j'ai commis une erreur. Moi qui n'écoute cette émission que très rarement, j'ai eu la mauvaise idée de me brancher sur Le Masque et la Plume, le jour où ces sagouins (je ne vois pas d'autre mot pour qualifier leur comportement) ont tout simplement raconté la fin du roman. Passe encore qu'ils dézinguent livres et auteurs sans tellement de manières mais ça... Résultat, je ne les écoute plus. Mais, avouons que pour une auteure dont l'ADN est quand même un certain savoir-faire dans l'art de la tension narrative, se faire "divulgâcher" de cette manière, c'est proche de l'assassinat. On saura peut-être un jour quel genre de comptes ont été réglés ce jour-là. Ou pas. Bref, en termes de contexte, pour ma lecture, on n'était pas dans les conditions les plus idéales. Mais enfin, comme je l'ai dit plus haut, pas trop d'inquiétude.
Pourtant, ça n'a pas pris cette fois-ci. La force qui m'avait captivée, happée dans ses précédents romans, la colère rentrée puis explosive d'Anthime, la violence des sentiments chez Agnès, ce feu qui couve sous le calme des apparences m'a laissée de glace pour ce qui concerne Blanche. On y reconnait, c'est vrai, les ingrédients qui font l'univers de Cécile Coulon, son sens de la dramaturgie, sa plume alimentée à la source des drames antiques, mais il y a quelque chose de bridé, de plus tenu, de beaucoup plus lisse. Il y a un travail qui se sent, sur la construction, sur les mots, qui recouvre le naturel, comme une couche d'enduit qui vient certes aplanir le mur mais aussi cacher le charme des vieilles pierres. Cette fois, je pense que l'atemporalité ne fonctionne pas bien, peut-être parce que les indices semés ici ou là ancrent l'histoire dans un univers peu ou prou contemporain qui vient plus facilement percuter les fantasmes que chacun projette sur la vie rurale, je ne sais pas bien l'expliquer. Peut-être que le lieu, tout simplement n'a pas la force des Trois-Gueules. Peut-être aussi que l'histoire - un rien banale - n'est pas assez sublimée ? Quoi qu'il en soit, je n'ai pas vibré. Je n'ai pas non plus passé un mauvais moment, loin de là et j'avoue avoir du mal à comprendre les débordements très excessifs autour de ce roman, du côté des "lovers" comme de celui des "haters". En fait, j'ai eu un peu la même impression qu'avec La vraie vie de Adeline Dieudonné (même éditeur, tiens...), encensé l'an dernier et que j'avais refermé après 2 heures de lecture en me disant "tout ça pour ça", un roman honnête mais quand même très loin du chef d’œuvre.
J'ai croisé Cécile à plusieurs reprises depuis la rentrée, je lui ai fait part de ma déception mais je crois que je ne suis pas la seule dans ce cas, beaucoup d'amoureux de Trois saisons d'orage n'y ont pas trouvé leur compte. Il est néanmoins fort possible que ceux qui la découvrent avec ce livre, vierges de toute comparaison n'aient pas le même regard. Une bête au Paradis se vend bien, s'est vu décerner le Prix littéraire du Monde début septembre, tant mieux pour tous ceux qui vont ensuite faire le chemin à l'envers dans la bibliographie de l'auteure. Et surtout, tant mieux pour Cécile Coulon et toutes les histoires qu'elle porte en elle. Car si je n'ai pas vraiment aimé ce livre, j'adore Cécile Coulon. Raison de plus pour être sincère.
"Une bête au Paradis" - Cécile Coulon - L'Iconoclaste - 348 pages