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Le cerbère blanc - Pierre Raufast

12 Mars 2020 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

A chaque ouverture d'un livre de Pierre Raufast, c'est l'inconnu. On a beau reconnaitre la vallée de Chantebrie qui sert de cadre à ses intrigues, pour le reste, bien malin celui qui pourrait dire ce qu'il va y trouver. C'est bien non ? Ma première surprise fut de lire cette fois un vrai roman. Non pas une enfilade d'histoires, certes reliées et orchestrées comme dans La fractale des raviolis ou même Habemus Piratam mais une véritable intrigue, qui ne renie pas le goût de l'auteur pour les mécanos tout en l'absorbant dans une dimension nouvelle, carrément Olympique. Les mythes sont convoqués (ne comptez pas sur moi pour les sous-textes et les explications, où serait le plaisir de la découverte ?), Dieux et héros jouent les guest stars de luxe pour mieux interroger le sens de la vie, par-delà la mort.

"Les hommes pensent berner les dieux, mais ne parviennent qu'à tromper le regard d'amis complaisants"

Ça commence comme une belle histoire. Deux familles amies dans la douce vallée, deux enfants nés à quelques heures d'intervalle qui grandissent ensemble, se sentant d'abord comme frère et sœur puis un peu plus et beaucoup plus à l'aube de l'âge adulte. Ensemble, Amandine et Mathieu font face au drame lorsque le jeune garçon perd ses parents dans un terrible accident qui sera à l'origine de sa vocation : devenir médecin et repousser les limites de la mort. Pour cela, il devra quitter la vallée, s'éloigner d'Amandine qui n'envisage pas une vie ailleurs. Ce sera son premier acte de lâcheté... Pourtant, les destins de Mathieu et d'Amandine sont liés depuis leurs premiers jours et ceux qui en tirent les ficelles ont la réputation d'être joueurs. Au moins autant que l'auteur.

Beaucoup de thèmes sont abordés par Pierre Raufast. A commencer par celui de la course à l'éternelle jeunesse, cette volonté de nier la mort en gommant les signes de vieillesse et de décrépitude. En poussant le curseur à l'extrême, la vanité, le culte de l'égo apparaissent dans tout leur splendide ridicule, surtout lorsque la si belle enveloppe charnelle sonne terriblement creux. Mais il est d'abord question des choix que nous faisons, des chemins que nous empruntons, des fidélités que nous trahissons ; parce que tout est fiction, parce que "les mythes sont dans toute chose, à nous de les découvrir", parce que le romancier est aussi puissant que Zeus, ses héros peuvent avoir une deuxième chance. Qu'en sera-t-il de nous ? Peu importe, tant que Pierre Raufast continue à nous raconter des histoires et à y semer des clins d’œil réservés aux fins observateurs, comme autant de petits cailloux littéraires et amicaux.

"Du haut de l'Olympe, Phoebus considéra Mathieu et murmura dans la langue des immortels sors tua mortalis, non est mortale, quod optas, "Ton sort est celui d'un mortel, mais ton désir est immortel". Alors le monde divin s'arrêta et contempla cette créature insignifiante qui accomplissait son odyssée. Tantale ne chercha plus à saisir l'eau qui lui échappait ; la roue d'Ixion s'arrêta ; les vautours ne déchirèrent plus le foie, les Danaïdes laissèrent leurs urnes et Sisyphe s'assit sur son rocher. Les dieux se penchèrent sur Mathieu et, l'espace de deux résurrections, ils retinrent leur souffle divin. L'épopée des héros avait-elle trouvé son héritier ?"

"Le cerbère blanc" - Pierre Raufast - Stock Arpège - 286 pages

 

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D
Toujours pas découvert cet auteur. Mais s'agissant d'un "vrai" roman, ça pourrait m'aider à sauter le pas !
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N
Pourquoi pas ? Les références mythologiques pourraient te plaire, il faut juste accepter aussi le jeu (moins prégnant que dans ses précédents livres, certes)...
A
Voilà un auteur dont je lis beaucoup de bien depuis quelques années, sans avoir jamais ressenti l'envie de sauter le pas. Mais ce que tu dévoiles de ce roman me laisse envisager une histoire qui pourrait bien me plaire...
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N
Je l'ai découvert très récemment, comme toi j'en entendais parler sans avoir eu l'occasion de me pencher sur la question. Dans une soirée il m'a été présenté, je l'ai trouvé sympa du coup j'ai lu son premier (La fractale des raviolis) que j'ai trouvé original et qui m'a amusée... J'ai beaucoup aimé son précédent (Habemus piratam sur le thème du hacking mais là aussi traité de façon très originale et assez irrésistiblement drôle, en tout cas à mon goût. Et enfin celui-ci, si tu aimes les mythes, le pouvoir des histoires... à toit de voir mais c'est une bonne occasion de faire connaissance.
K
Ah j'en ai raté, alors;.. Voir la bibli!
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N
A ma connaissance c'est son 5ème roman (et le 4ème que je lis)... je ne sais pas où tu en es mais tout ça est encore jeune (c'est pas comme se lancer dans un rattrapage Echenoz ;-) )