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Agnes Grey - Anne Brontë

11 Juin 2020 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Si je n'avais pas dans ma bibliothèque un volume de la Pochothèque (Le livre de poche) rassemblant les trois premiers romans publiés des sœurs Brontë, j'avoue humblement que je n'aurais pas eu connaissance de celui-ci. Il est placé à la fin du volume, c'est aussi le plus court, après le pavé roboratif de Charlotte (Jane Eyre) et les envolées sombres et passionnées d'Emily (Les hauts de Hurlevent), pourtant, c'est celui qui a été écrit en premier par la plus jeune des sœurs, Anne. Totale découverte pour moi et, dès les premiers mots, je me suis coulée avec bonheur dans les phrases élégantes de cette toute jeune femme au style sobre mais non dénué de rythme ; un style et une façon de croquer ses personnages qui rappellent beaucoup Jane Austen.

Agnes Grey est une toute jeune femme issue d'une famille aimante mais pauvre, sa mère n'ayant pas hésité à renoncer au confort matériel pour épouser un pasteur, provoquant ainsi la rupture avec sa famille. Alors que la santé de son père faiblit, Agnes décide de se faire engager comme gouvernante afin d'apporter sa contribution à l'entretien de la maison. Et ce sont donc ses expériences, a priori inspirées de celles vécues par Anne Brontë qui figurent le contexte du roman publié en 1847. A la lecture de cette présentation on peut froncer les sourcils et soupirer en se disant que ça doit être bien ennuyeux... On aurait tort, c'est passionnant. Anne Brontë a le sens du portrait psychologique et l'intelligence joliment aiguisée. Son récit est addictif, grâce à un bel équilibre entre le traitement romanesque et le propos engagé (oui, engagé) qui vient pimenter la narration faussement sage.

Cette position de gouvernante permet de montrer toute la complexité d'existence pour une jeune fille pauvre dans cette Angleterre victorienne. La comparaison avec Miss Murray, l'aînée des jeunes filles dont elle s'occupera jusqu'au mariage de cette dernière est particulièrement révélatrice et le contraste est mis en scène avec une pointe de férocité qui n'en fait jamais trop. Agnes Grey est cultivée, ouverte aux autres, curieuse, bienveillante sans toutefois se priver de remarquer les injustices même si les moyens de les combattre sont quasiment inexistants. Ses remarques sur l'exercice de sa profession "Je ne saurais guère concevoir de situation plus tourmentée que celle où, malgré le plus grand désir de réussir, malgré toute la peine qu'on se donne pour accomplir son devoir, on voit ses efforts contrariés et anéantis par ceux qu'on a en-dessous de soi, et en même temps blâmés à tort et mésestimés par ceux qui sont au-dessus" parleront à bien des travailleurs encore aujourd'hui. Quant à la tirade de Mrs Murray lui expliquant ce qui à ses yeux fait une bonne gouvernante, elle est tout simplement savoureuse. On notera également un plaidoyer en faveur du respect des animaux comme étant des "créatures sensibles" où l'on voit Agnes Grey s'opposer aux jeux cruels des enfants gâtés dont elle a la charge, auxquels on a toujours expliqué que les animaux ont été créés au service de l'homme. Défense des travailleurs et défense des animaux, pas mal pour une jeune fille de dix-neuf ans !

Ce roman est joliment maitrisé, d'une facture assez classique et pourtant jamais ennuyeuse, bien au contraire. Personnellement, je préfère ce style à la noirceur essoufflée des Hauts de Hurlevent lu l'an dernier pour la première fois ; j'ai passé un délicieux moment auprès de personnages que je gardais en tête et avais toujours envie de retrouver. Une petite pépite.

Agnes Grey - Anne Brontë - La Pochothèque (Le Livre de Poche) avec Jane Eyre et Les Hauts de Hurle-Vent) - 180 pages (traduction de Ch. Romey et A. Rolet)   / Photo de couverture : Editions Archipoche.

En juin, c'est le mois anglais, à retrouver sur Instagram @lemoisanglais, sur Facebook et sur les blogs des participants.

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L
Je trouve Anne très moderne (je te recommande "La Dame de Wildfell Hall"), mais pour ma part je préfère largement Emily et Charlotte.
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N
Merci, j'ai noté ce titre en voyant passer pas mal de posts dans le groupe ; ma lecture de Charlotte remonte à loin, il faudrait que j'y retourne mais la découverte d'Anne fut une réelle belle surprise.
A
Oh il va remonter sur le haut de ma Pal, tiens ! Merci pour cet avis qui me motive à le lire ^^
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N
Bonne lecture alors !
A
L'année dernière j'avais prévu de me le garder pour le mois anglais de cette année, mais finalement ce sera pour plus tard !
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N
Oui, je crois que tu vas être un peu occupée ces prochains mois mais pour le mois anglais 2021 ce sera parfait ;-)
B
Anne était certainement une des plus sensibles, et des plus fragiles aussi des trois soeurs. Elle a écrit des poèmes aussi. Les Brontë comptent beaucoup pour moi.<br /> Bonne journée.
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N
J'ai effectivement été très touchée par la sensibilité de son regard et à une certaine délicatesse qui se dégage de sa plume. Je vais poursuivre ma découverte.
S
Il est dans ma liseuse et tu me donnes bien envie de le lire !
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N
Vraiment une belle surprise, j'espère qu'elle le sera aussi pour toi :-)
R
oh bin cela semble etre le meilleur des soeurs...il va falloir que je le lise...j'aime bien le Jane Eyre...alors je risque d'adorer...;)
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N
Le meilleur je ne sais pas mais en tout cas qui mérite largement d'être découvert !
E
c'est vrai que c'est noir! Je ne connais pas agnes Grey, je note!
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N
Il vaut le coup d'oeil et mérite de sortir de l'ombre de ceux des autres sœurs.
L
J'ai beaucoup aimé ce roman car il est moins austère que celui de Charoltte.
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N
Oui, je m'attendais aussi à quelque chose d'austère mais pas du tout ; je le trouve même moderne.
K
Noirceur essoufflée? Voilà des mots mis sur mon ressenti. Je préfère agnès Grey, et son calme réfléchi (même si un petit coeur bat aussi)
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N
Nous nous rejoignons donc sur ces ressentis ; Agnès Grey vaut vraiment le détour malgré l'ombre des deux autres :-)