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Billy Wilder et moi - Jonathan Coe

15 Avril 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Le talent de Jonathan Coe est avant tout celui de se renouveler à chaque livre et c'est aussi très certainement le secret de sa longévité (et de celle de notre relation). Je ne suis pas très cinéphile, je connais très mal la filmographie de Billy Wilder mais je n'ai pas hésité un instant à embarquer et à me laisser guider. Parce que c'est Jonathan Coe et que dès la page 21, un savoureux éloge du pouvoir consolateur d'un bon Brie vient me confirmer que cette fois encore nous allons passer un très bon moment. Certes, le cinéma est au centre de l'intrigue, mais le propos est bien plus large et englobe des thèmes chers à l'auteur, par affleurements (les relations entre l'Europe et l'Angleterre, ou l'amour de la France et des Français...) ou directement dans le vif du sujet (les comportements de ses congénères, comme pendant la seconde guerre mondiale). Il règne dans ces pages une atmosphère empreinte de nostalgie d'un monde révolu, ou plutôt d'empathie envers ceux qui furent en haut de l'affiche, au sommet de leur art et ne le sont plus, par la force des choses et la dictature du temps qui passe.

L'auteur nous invite dans les pas de Calista, musicienne d'origine grecque installée à Londres, mariée et mère de deux filles à l'aube de quitter le nid familial. La perspective de ces départs amène Calista à repenser à son propre envol d'Athènes vers les Etats-Unis en 1977, un périple de 3 semaines au cours duquel elle partagera un dîner à la table de Billy Wilder et de son associé Iz Diamond, ignorant tout d'eux, d'Hollywood et du cinéma. Les deux hommes préparent le tournage de Fedora dont une partie doit avoir lieu en Grèce. Quelques mois après être rentrée chez elle, Calista aura la surprise de se trouver enrôlée dans l'équipe aux côtés de Marthe Keller et William Holden et cette expérience influencera la suite de son parcours et de sa vie professionnelle.

C'est donc à travers le regard un peu naïf de Calista que nous sommes invités dans l'intimité de Billy Wilder par un Jonathan Coe qui doit particulièrement apprécier son humour et nous en livre un portrait à la fois amoureux et admiratif, poussant l'hommage jusqu'à adopter la forme d'un script pour la partie centrale qui relate la fuite de Wilder lors de la montée du nazisme, d'abord à Paris puis à Los Angeles. Joli tour de force pour évoquer cette période douloureuse et indélébile dans l'esprit du cinéaste dont toute la famille a disparu. Il y a des moments fantastiques dans ce roman, le premier dîner à Beverly Hills savoureux de drôlerie, celui de Berlin qui est l'occasion d'une fracassante mise au point sur ce que Wilder pense des Allemands depuis la guerre, et puis cette dégustation de Brie dans une ferme de Seine-et-Marne... Sans compter le regard de l'auteur sur l'évolution du cinéma, lui dont ce fut longtemps le métier en tant que critique. Le savoir-faire de Jonathan Coe n'est plus à démontrer, mais sa liberté, elle, est plus enthousiasmante à chaque livre.

Plus que jamais, I love Jonathan Coe.

"Billy Wilder et moi" - Jonathan Coe - Gallimard - 300 pages (traduit de l'anglais par Marguerite Capelle)

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D
Bonsoir, un "Coe" que j'ai beaucoup apprécié pour le sujet, le personnage principal et je trouve que ce roman donne envie de (re)voir le film que je conseille. Bonne soirée.
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N
Oui c'est vrai :-)<br /> Merci de ton retour.
D
Alors voilà, je viens de mettre le point final à mon billet qui paraîtra demain matin et te lis donc enfin. Je te promets, j'ai pas copié :-D mais évidemment, nous nous retrouvons ! <br /> Quel artiste cet écrivain ! Il est vraiment merveilleux (moi, c'est la scène de l'interview de Wilder par deux journalistes successifs qui m'a fait mourir de rire, sans compter certaines réparties). Non, vraiment, c'est un véritable bonheur !
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N
Oui je pense qu'il est arrivé à un point de maîtrise qui l'autorise à faire beaucoup de choses et le plaisir qu'il y prend est très communicatif.
A
Grande fan de Jonathan Coe, ce titre là m'a déçue ... Le regard de Callista est omniprésent et sa naïveté et son admiration inconditionnelle lisse le roman. Même j'apprécie énormément le cinéma de Wilder, et la nostalgie de cet âge du cinéma américain. Fedora en est d'ailleurs empreint (le film).
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N
Ah, dommage. Mais je peux comprendre ton ressenti. C'est loin d'être mon préféré dans la bibliographie de Jonathan Coe mais je n'ai pas été déçue car j'y retrouve beaucoup des ingrédients qui me plaisent chez lui.
F
Comme toi I love Jonathan Coe même si je n'ai lu que deux de ses livres.
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F
C'est ce que j'ai pu comprendre. ????
N
Seulement deux ? Quelle chance ! Tu as de belles découvertes devant toi :-)
K
Repéré et noté, il passera par chez moi, c'est sûr. D'autant plus si les sujets abordés vont au-delà de Billy Wilder (auquel je n'ai rien à reprocher !)
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N
Oui bien sûr, et c'est du Jonathan Coe donc la profondeur est au rendez-vous mais toujours légère à digérer :-)
K
Ah ! Jonathan Coe ! Tu as raison, il sait se renouveler et nous étonner. Je lirai ce titre-là, c'est une certitude.
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N
Je n'en doute pas, surtout qu'avec lui on n'est jamais déçu !
K
Quoi, un nouvel opus de Coe! Je le veux, forcément. Et j'ai vérifié, j'ai vu quelques uns de ses films (avec un si grand plaisir!)
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N
Oui moi aussi quelques-uns mais je ne sais pas toujours attribuer les films que j'ai vus à un réalisateur, du coup c'est toujours un peu flou. Mais dès qu'on me cite les titres, ça fait tilt. Et oui, tout frais, tout juste sorti de l'imprimerie pour notre plus grand plaisir :-)