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Connemara - Nicolas Mathieu
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Connemara, c'est assez malin comme choix de titre. Tout le monde connaît la chanson de Sardou, que l'on ait dansé dessus lors d'un mariage ou hurlé en fin de soirée alcoolisée d'école de commerce. Que l'on vienne des beaux quartiers ou de la banlieue, de la capitale ou de province. Tout le monde la connaît mais ça ne gomme pas pour autant les différences. Prenez Hélène et Christophe. Ils ont grandi dans la même petite ville de l'Est de la France, sont issus tous les deux d'un milieu modeste. Lui s'en est toujours contenté, il est resté, sa passion et sa façon de se réaliser c'était le hockey sur glace, les cris du public les soirs de match, l'adrénaline de la compétition. Hélène a tout fait pour fuir une vie qui lui apparaît comme médiocre, la bosse des maths ça aide, ça vous met sur la bonne trajectoire, mention, prépa, bonne école et carrière sur des rails dans le consulting. Voie royale. Jusqu'au burn out. Alors retour à la case départ, avec mari et enfants la voilà de nouveau dans sa région mais auréolée d'un parcours gagnant. Les liens du couple sont distendus mais ça tient encore. Du côté de Christophe, c'est rompu, reste l'enfant que l'on se partage une semaine sur deux, un job de représentant assez tranquille, l'envie de rechausser les patins. C'est à ce stade que les deux se revoient, vingt ans après le départ d'Hélène. Et la relation qui s'ébauche entre eux est faite de ce qui ne s'est jamais produit auparavant, de ce qui aurait pu être, de rêves déçus, de conquêtes vaines, de fuites inutiles, de petites lâchetés, d'une envie de présent face à la rapidité du temps qui passe. Sardou chante et les années filent.
Je n'ai franchement pas boudé mon plaisir face à vrai roman qui met en scène des personnages de chair qui sont tout sauf des stéréotypes ou des monolithes, tiraillés, insatisfaits, faibles sous le masque bref, qui nous ressemblent drôlement. Ils se débattent avec des contradictions issues d'une société qui ne sait plus trop où sont ses valeurs, et qui irriguent la vie professionnelle autant que la sphère privée. J'ai adoré l'arrière-plan qui dépeint l'univers des sociétés de conseil que ce soit côté business ou collectivités territoriales, hyper réaliste, on s'y croirait. Hélène et Christophe font ce qu'ils peuvent. Chacun essaye malgré le fossé qui les sépare. Excellent point pour les scènes de sexe, très visuelles, réalistes, crues mais pas cul-cul. D'ailleurs c'est ce qui va bien pour Hélène et Christophe, le cul. Pas sûr que ça suffise. C'est un roman qui parle de ce qui empêche, ce qui érode, ce qui lasse, et puis du temps qui passe et ne se rattrape plus. Le seul truc qu'on puisse lui reprocher c'est que ça ressemble trop à la vraie vie, avec tout ce que ça peut avoir de déprimant surtout si on a passé la quarantaine (ou stimulant, hein, pendant qu'il en est encore temps). Pas grave, il nous reste la chanson. "Là-bas, au Connemara / on dit que la vie, c'est une folie / Et que la folie, ça se danse..."
"Connemara" - Nicolas Mathieu - Babel (Actes Sud) - 534 pages
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