Le jardin des Finzi-Contini - Giorgio Bassani
Il y a des livres mythiques qu'il nous semble connaître, et pourtant. Je n'ai vu le film de Vittorio de Sica que très récemment, happée par son charme mélancolique autant que par le visage et la silhouette de Dominique Sanda. Des images qui m'ont accompagnée pendant ma lecture, comme un fond d'écran tandis que je découvrais la subtilité du texte qui les avait fait naître. Il ne m'a fallu que huit pages, celles du prologue, pour avoir le cœur serré puisque le récit qui suit appartient à un passé qui mêle joies et peines de l'enfance aux derniers feux de l'adolescence, dont la fin tragique connue de tous appartient à l'Histoire. C'est dans un cimetière que jaillissent les réminiscences et vient l'envie de raconter, de se remémorer. Les années 30 en Italie dans la belle ville de Ferrare située entre Bologne et Venise. Le narrateur appartient à la discrète communauté juive qui subit chaque jour un peu plus les conséquences de la politique Mussolinienne et ses discriminations. Lorsqu'il se voit - entre autres - radié du club de tennis local, l'invitation de Micòl et Alberto Finzi-Contini à venir profiter du terrain de leur propriété tombe à pic. Cela fait si longtemps qu'il rêve de pénétrer dans l'enceinte qui abrite cette famille iconoclaste, un peu à l'écart, dont le mode de vie suscite les commentaires de tous. Il prend peu à peu ses habitudes auprès du frère et surtout de la sœur qu'il admire depuis l'enfance. Mais Micòl est insaisissable. Entre parties de tennis et promenades dans l'immense jardin, les discussions laissent affleurer un contexte politique menaçant et influent sur les aspirations des jeunes gens en passe de valider des diplômes et de s'orienter vers un avenir dont ils peinent à imaginer les contours. Tout ceci pourrait être le lot d'une jeunesse normale, les hésitations, les tâtonnements, les premiers émois, l'illusion de l'amour. Un apprentissage à l'ombre de murs que l'on voudrait protecteurs. Mais l'auteur nous met dans la position de celui qui sait ce que réserve l'avenir à cette jeunesse, donnant à chaque sentiment un aspect plus poignant. Ce qui n'aurait dû être qu'un joli souvenir d'amourette déçue prend une tout autre couleur transformant la figure de Micòl en celle d'une héroïne tragique. Le jardin des Finzi-Contini est un roman à la beauté douloureuse qui joue avec talent sur la relation entre présent, passé et futur ; il s'en dégage une fragile élégance à l'image de la fugacité de l'instant présent. L'empreinte qu'il laisse dans l'esprit du lecteur est aussi profonde que l'abîme de tristesse qu'il laisse entrevoir. Magnifique.
"Le jardin des Finzi-Contini" - Giorgio Bassani - Folio - 376 pages (traduit de l'italien par Michel Arnaud) Paru en 1962 en Italie et en 1984 en France (Gallimard)