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Un gentleman à Moscou - Amor Towles

20 Octobre 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans, #Coups de coeur

Je viens de passer un de mes meilleurs moments de lecture depuis un bout de temps. Dans la catégorie plaisir pur, procuré par des héros que l'on n'a pas du tout envie de quitter et une science de la narration qui vous transporte immédiatement au cœur de l'intrigue. J'avais déjà apprécié dans le premier roman d'Amor Towles, Les règles du jeu, l'atmosphère un brin désuète, voire nostalgique qui irriguait son histoire. Cette fois, il y a en plus une superbe élégance et une tonalité teintée de cet humour pince sans rire que l'on jurerait émaner d'un auteur britannique si l'on ne connaissait pas la nationalité de l'auteur. Quant au comte Alexandre Rostov, le gentleman du titre, comment ne pas succomber à son charme ?

Nous sommes donc à Moscou, au début des années 1920, époque de reconstructions et de transformations après une guerre mondiale et surtout une révolution sanglante. Les aristocrates ont en général opté pour l'exil mais Alexandre Rostov a préféré regagner son pays alors qu'il séjournait à Paris pendant les événements. Convoqué devant un tribunal révolutionnaire, il échappe miraculeusement à la peine de mort et à l'emprisonnement mais se voit assigné à résidence à l'hôtel Metropol où il a posé ses valises. Là, il doit dire adieu à sa suite et se trouve relégué sous les combles dans une sorte de chambre de bonne. Les consignes sont claires : il ne doit pas poser un pied en dehors du bâtiment sinon... Nous allons donc le suivre durant une bonne trentaine d'années et croyez-moi, cela n'a rien ni de statique ni d'ennuyeux.

D'abord parce que le comte Rostov est un pur produit d'un monde qui croyait avant tout dans le pouvoir de la culture et de la transmission ; nourri aux grands auteurs, philosophes, stratèges ou romanciers, il ne manque pas de références pour affronter les différentes situations qui s'offrent à lui. A commencer par trouver le moyen de garder la maitrise du cours de sa vie, malgré l'enfermement. Ensuite parce que l'hôtel Metropol n'est pas n'importe quel bâtiment. Idéalement placé au cœur de Moscou entre le Kremlin et le Bolchoï (un plan au début du livre permet de se faire une idée précise), il est au centre de la vie culturelle et politique moscovite. Des étages complets sont ainsi réquisitionnés au lendemain de la Révolution pour enfermer les membres de la commission chargés de rédiger la Constitution de l'Union Soviétique. Enfin, parce que ce lieu de passage offre au comte de multiples occasions de rencontres et que ses qualités d'observateur et d'homme du monde vont se transformer en ressources insoupçonnées, pour le plus grand plaisir du lecteur. Car savoir tenir une conversation, organiser un plan de table en évitant les fausses notes ou encore transmettre sa connaissance du monde à travers l'ouverture que lui a procuré sa culture, tout ceci va s'avérer éminemment politique.

Outre que ce livre possède tous les ingrédients romanesques qui captent le lecteur, il nous parle avec élégance du temps qui passe, des transformations voulues ou subies, des mondes qui changent. Il y a dans le personnage de Rostov quelque chose du Prince Salina dans Le Guépard. En tout cas j'ai eu le visage de Burt Lancaster à l'esprit pendant toute ma lecture. On y lit également de très jolies choses sur la littérature, russe notamment, et des observations savoureuses sur les différences culturelles entre URSS et Etats-Unis à travers les différentes périodes traversées. Car c'est aussi un pan de notre histoire récente qui nous est offert, par le prisme de cet endroit singulier, excellent poste d'observation. Comme le dit Rostov à la fin du livre "entre ces murs, le monde est passé".

Un roman au long cours, qui invite à prendre le temps et dans lequel on s'immerge avec un rare plaisir. Compagnon idéal de soirées plaid et boisson fumante (ou vodka), savoureux, élégant et puissamment romanesque. J'aime décidément beaucoup cet auteur.

"Un gentleman à Moscou" - Amor Towles - Fayard - 574 pages (traduit de l'anglais par Nathalie Cunnington)

 

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N
Romanesque comme j'aime ! Il a tout pour me plaire celui là !
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N
Hé hé... c'est bien possible. A prévoir pour une semaine de vacances par exemple :-)
D
Je ne me suis donc pas trompée en lisant ton article, c'est bien de ce livre (dont je n'avais auparavant jamais entendu parler) dont il était question dans un article d'Eva qui ne l'avait pas beaucoup apprécié... Mis j'avoue que tu es assez convaincante. Moi qui suis un peu en panne de lecture en ce moment, c'est peut-être ce genre de remède qu'il me faudrait...
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N
Effectivement, Eva s'est ennuyée (ce que j'ai du mal à comprendre mais qui prouve à quel point il peut être difficile de conseiller un livre à quelqu'un :-) ). Toi qui aimes les lectures au long cours, oui, peut-être que tu apprécierais... Panne de lecture dis-tu ? Voilà autre chose...
E
J'avais adoré ce livre à sa sortie ! Lu en anglais, le côté suranné, le passage du temps, l'histoire - du coup je me suis procurée son premier roman ;-)
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N
Mais je me souviens très bien de ton billet qui m'avait fait bisquer car le roman n'était pas encore traduit à l'époque et malheureusement je ne lis pas en v.o.... Alors quand je l'ai vu au programme de la rentrée, j'ai sauté dessus et vraiment pas déçue du voyage :-)
E
je me suis gentiment ennuyée pendant tout le livre! je l'ai fini aux forceps car je le lisais dans le cadre du Prix ELLE... mais je suis quand même contente qu'il ait trouvé son public !
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N
Oui, j'avais vu ton billet à l'époque et quelques autres un peu du même tonneau ce qui m'avait inquiétée mais... finalement, ça ne m'a pas empêchée de succomber !
K
Jusqu'alors, ce roman ne m'attire pas plus que ça, mais je changerai peut-être d'avis ! ;-)
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N
On n'en a pas parlé tant que ça et les avis sont partagés car l'approche et l'atmosphère peuvent surprendre. Moi, j'adore, je suis sensible à cette ambiance...
K
Bon, bah, il est noté !
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N
Un genre comme on n'en fait plus trop... et qui me ravit. J'aime ce côté subtilement désuet mais je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde. Je ne suis donc pas étonnée de voir des avis qui laissent penser que l'on peut passer complètement à côté. Pour le savoir, il faut tenter :-)
A
Beaucoup aimé aussi l'élégance dans ce roman. Un très beau moment de lecture, très romanesque.
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N
Bonne lecture ! Curieuse de connaître votre avis...
C
Merci pour tous ces avis. Le livre est à côté de moi, je l'ouvre dès que j'ai fini de vous écrire. Curieuse de voir de quel côté je vais me trouver...
N
Mais oui, ça fait du bien de tomber sur ce type de roman à la fois divertissant mais qui ne manque pas de fond et possède un petit côté enchanteur... Tiens, je regrette de l'avoir déjà lu :-)