Et la forêt brûlera sous nos pas - Jens Liljestrand
"N'aie pas honte d'être humain. Sois-en fier"... cette petite injonction revient régulièrement au fil des pages de ce roman, comme un aiguillon qui s'enfoncerait dans la chair des protagonistes. Elle se retrouve plutôt dans la bouche de celles et ceux qui refusent d'embrasser la tendance écolo générale : plutôt vivre, profiter que se flageller et se priver. Snober les signes extérieurs de dérèglement climatique, balayer tout ça d'un revers de main et retourner à ses agapes. Mais dans l'autre camp, l'hypocrisie n'est pas en reste. Greenwashing, mini gestes et bonne conscience. Ce roman est encore plus misanthrope que je ne le pensais. Une sorte de comédie humaine du 21ème siècle - l'humour en moins - qui saisit les individus dans un moment crucial et braque les projecteurs sur la vérité nue et crasse de leurs comportements.
L'intrigue se déroule sur quelques jours d'un été caniculaire en Suède. De gigantesques incendies de forêts se déclarent et provoquent le chaos parmi la population en vacances. Des bobos aisés sont soudain transformés en réfugiés climatiques alors que les transports sont perturbés et que des émeutes éclatent dans les villes. Nous allons suivre tour à tour quelques individus dont les destins sont liés, nous glisser dans leurs pas et surtout dans leur esprit. Où chacun est aux prises avec ses petites cachoteries, ses mensonges, ses lâchetés ou ses peurs. Les portraits sont sans pitié, l'auteur fouille derrière les apparences affichées par Didrik, pro de la communication dont l'assurance se fissure face à l'inconnu. Car cette crise est complexe, les individus s'opposent depuis si longtemps sur la notion même d'urgence climatique... alors quels coupables désigner sinon soi-même ?
Malgré tout mon intérêt pour ce sujet et ma sympathie pour la misanthropie j'ai terminé ce roman assez déçue par rapport à ce que j'en espérais. Il pose effectivement quelques questions mais s'englue dans des situations qui donnent l'impression de tourner en rond et de trainer en longueur. Même s'il saisit de nombreux aspects de notre société et de nos contradictions face aux enjeux actuels et futurs, il ne m'a pas emmenée au-delà d'une actualité que je connais ni de personnages dont j'ai eu l'impression d'avoir déjà trop côtoyé les travers. Certains m'ont même semblé superflus (l'ancien champion de tennis par exemple). Après deux premières parties plutôt affûtées mon intérêt s'est peu à peu délité et je suis arrivée au bout sans me forcer mais sans grand enthousiasme. Dommage.
"Et la forêt brûlera sous nos pas" - Jens Liljestrand - Autrement - 524 pages (traduit du suédois par Anna Postel)