Paradise, Nevada - Dario Diofebi
Paradise, c'est le vrai nom de la bourgade qui abrite le fameux strip et ses casinos mais que tout le monde résume à l'appellation Las Vegas pour ne pas entrer dans les subtilités cadastrales. L'endroit où tout est possible. On en connait les lumières, les excès, les décors extravagants, les nuits blanches et les tapis verts ; ce roman nous emmène dans les coulisses, au plus près des acteurs qui permettent à ce gigantesque barnum de scintiller et de diffuser son ivresse en continu. C'est assez mouvementé, l'auteur bâtit un roman plein de vie où se croisent des personnages auxquels il est facile de s'attacher. On lui pardonne le classique défaut du débutant si passionné par son sujet qu'il a tendance à charger un peu la barque du contenu (pour ceux qui ne jouent pas et ont oublié leurs cours de probabilités) car pour le reste, c'est du costaud.
Dans les pas de Ray, joueur de poker en ligne qui vient tenter sa chance en live, de Tom, un jeune italien dont le visa touristique a expiré mais qui ne compte pas repartir avant d'avoir fait fortune, de Mary-Ann, ancien mannequin désormais serveuse et de Lindsay, issue d'une famille mormone, journaliste qui rêve de tout quitter pour devenir écrivain à San Francisco, le lecteur est invité à découvrir les événements qui ont mené à l'explosion d'une bombe au Positano, l'un des plus luxueux hôtels casinos de Vegas. Dont bien sûr je ne dirai rien ici. Grâce à eux, à leurs parcours, l'auteur utilise ce terrain de jeu qui cristallise tous les enjeux micro et macro de la société actuelle : enjeux sociaux, économiques et intimes lorsqu'il s'agit de trouver un sens à sa vie. Il y est question d'image, d'isolement au sein de communautés factices, de chance (ou pas), de droits sociaux, d'émancipation et de la façon dont chacun cherche son bonheur. On y côtoie le quotidien des joueurs qui en ont fait une profession et de ceux qui dans l'ombre s'échinent à faire marcher l'usine à rêves pour quelques dollars et bien peu de considération (terrifiants passages sur les dates de péremption des serveuses trop "âgées").
L'auteur y a mis beaucoup de lui-même (le personnage de Tom a un parcours similaire au sien), on sent sa fascination pour l'endroit, l'histoire de Vegas, mais il parvient à sublimer ce point de départ pour donner à son roman une dimension politique et sociétale intense. Sans jamais oublier de divertir son lecteur. J'ai pris beaucoup de plaisir à m'immerger dans ce Paradise dont je n'avais jusqu'à présent exploré que les façades accessibles aux touristes de quelques heures. Décidément les primo-romanciers dénichés dans la collection Terres d'Amérique valent le détour. Après la révélation Michael Christie (Lorsque le dernier arbre), Dario Diofebi prend joliment le relais. Curieuse de voir ce qu'il écrira dans les années à venir.
"Paradise, Nevada" - Dario Diofebi - Albin Michel/Terres d'Amérique - 640 pages (traduit de l'anglais (EU) par Paul Matthieu)