Ahlam - Marc Trévidic
Forcément, de la curiosité... A l'annonce de la publication du premier roman de Marc Trévidic, ancien juge anti-terroriste ultra-médiatisé, personnalité respectée voire admirée, on est forcément mû par un éclair de curiosité. D'appréhension aussi, parce qu'on n'a pas vraiment envie d'être déçu par un homme pareil... Alors, lira, lira pas ? J'ai lu, j'ai plutôt apprécié ma lecture mais je ne suis qu'à moitié convaincue...
Rien à dire sur le propos. A partir d'un sujet qu'il maîtrise parfaitement à force de l'avoir côtoyé tous les jours, Marc Trévidic nous dépeint les ravages des mécanismes de la radicalisation, véritable machine de guerre destinée à instaurer la charia partout dans le monde. Pour installer sa démonstration et la rendre facilement accessible, le choix du roman s'imposait. Le cadre également. La Tunisie, pas celle des grandes villes mais plutôt des îles plus éloignées au large de Sfax, le pays de tous les espoirs depuis le "printemps arabe", de tous les dangers aussi lorsque s'affrontent libéraux et extrémistes. A travers le destin d'une famille modeste, plutôt ouverte sur le monde, il parvient à montrer les différents choix auxquels chacun est confronté, les petits grains de sable qui font basculer du mauvais côté, la facilité avec laquelle se fait l'embrigadement. Il maîtrise parfaitement le contexte et parvient, au fil des 10 années qui vont des attentats de New York à la révolution arabe à rendre son propos limpide.
Intéressant également cette idée d'opposer la beauté de l'art à la violence du radicalisme. La liberté à l'obscurantisme. La vie à la mort. La vision de Paul, l'artiste français tombé amoureux de l'île paraît tellement naïve face à la réalité d'un monde qui bascule dans l'extrémisme. Concentré sur son art, déterminé à le transmettre à Issam et Ahlam, le frère et la sœur si proches et si doués, il ne perçoit pas la laideur qui l'entoure. Encore moins le danger. Et lorsque ses deux protégés choisissent des voies totalement opposées, il est loin d'imaginer à quel drame cela va conduire.
Alors me direz-vous, où est le problème ? Dans l'écriture, le style tout simplement. Malgré des efforts notables pour assouplir son propos, l'imager, on reste dans quelque chose d'assez raide, voire brutal. Et qui se heurte à une velléité d'emprunter parfois au conte oriental sans la grâce nécessaire. En fait, derrière l'écriture on ne peut s'empêcher de voir le juge et de ressentir à travers son regard.
Mais on ne va pas jeter la pierre à ce roman qui a le mérite de traiter d'un sujet de la plus haute importance et l'ambition de le mettre à portée de tous. S'il permet à un certain nombre de lecteurs de mieux appréhender ce qui se joue dans nos vies, tout près de nous, et d'être plus vigilants alors, il aura rempli une mission essentielle.
"Ahlam" - Marc Trévidic - JC Lattès - 322 pages