Tout le bonheur du monde - Claire Lombardo
Alors voilà, je ne vais pas tergiverser ni user de circonvolutions interminables, je vais juste déclarer que je me suis vautrée avec un plaisir croissant dans l'univers de la famille Sorenson, de plus en plus convaincue au fil des 700 pages de ce roman qui filent beaucoup trop vite. En gros, sachez que si vous avez aimé la série "This is us", vous allez adorer ce livre qui en adopte les codes et la construction, enchevêtre présent et incursions dans le passé des membres de cette famille que l'on voudrait faire sienne et ne plus jamais quitter. Dans les rires et les larmes, pour le meilleur et pour le pire.
Tout le bonheur du monde est ce ces bons gros romans immersifs qui décortiquent parfaitement les sentiments et manient habilement les ressorts psychologiques et dramatiques au point de rendre les personnages plus vivants que certaines personnes que vous côtoyez tous les jours. Il paraît que la romancière travaille à une adaptation pour HBO, rien d'étonnant tant ce roman est visuel mais surtout profond dans l'exploration des liens qui unissent une famille. Et quelle famille... Marylin et David Sorensen se sont rencontrés à l'université et sont amoureux depuis plus de quarante ans, sans rien cacher des élans qui les poussent encore à se câliner à tout bout de champ. De leur union sont nées 4 filles : Wendy, Violet, Liza et Grace par ordre d'apparition, qui ont grandi à l'ombre de cette figure idéalisée de l'amour conjugal dans la maison familiale de Chicago, sous la protection du ginkgo centenaire au centre du jardin. D'ailleurs, si les arbres pouvaient parler... Au fil du roman, la complexité des relations entre les membres de la fratrie se fait jour, une bonne dose de jalousies, quelques cachotteries, une pincée de trahison, quelques grammes de dénigrement. Le modèle parental place la barre haut et être l'aînée, la numéro 2, 3 ou la petite dernière affectueusement surnommée "l'épilogue" par David et Marylin apporte son lot de doutes, d'appréhensions ou d'empêchements. Ajoutez à cela un joli secret qui fait surface dès les premières pages et va permettre à l'auteure d'ajouter un point d'observation extérieur très malin sur cette famille. Vous avez les ingrédients du succès.
Tout est dans les détails. L'enfer comme le paradis. Et Claire Lombardo est douée pour mettre tout ceci en musique dans une farandole subtile et addictive qui dévoile peu à peu la réalité des uns et des autres. Et interroge en beauté les concepts de maternité, de transmission, d'appartenance et d'émancipation. En lisant les remerciements en fin de volume on comprend qu'elle s'est inspirée de sa propre expérience dans une famille nombreuse ce qui explique sans doute l'acuité avec laquelle elle saisit la particularité des liens entre les différents membres.
C'est drôle et touchant, j'ai souri et pleuré. J'ai beaucoup aimé.
"Tout le bonheur du monde" - Claire Lombardo - Rivages - 704 pages (traduit de l'anglais par Laetitia Devaux)